LA MAGIE DE L’INDE

Inde du nord

Dharamsala, cité mythique

LES SPENDEURS INFRANCHISSABLES DE L’HIMALAYA

A l’aube, à la porte du ciel, la bourgade appelée la « petite Lhassa » s’éveille d’une longue nuit orageuse. Les brumes vaporeuses s’échappent des montagnes célestes de l’Himalaya et tout brille dans un poudroiement verdâtre. Je trouve une chambre à la vue infinie sur les hauteurs pâles, et m’apprête à y vivre quelques jours solitaires, recluse comme une nonne. Au crépuscule rouge et flamboyant, un silence mélodieux vient avec la pluie. Le temps file. Il y a le fameux temple où le Dalaï Lama donne ses enseignements, mes mains qui font tourner les lourds rouleaux peints à prière, les psalmodies de veilles édentées qui se courbent dans l’ombre de dalles froides. L’énergie bénéfique se transmet-elle en marchant sur les traces d’un Saint homme ?

Un autre jour, je m’aventure en dehors de la ville, au temple Guyto Ramoche Tantric Monastery, pour recevoir la bénédiction du moine Karmapa, le dix-septième Lama. J’arrive en avance et pénètre dans le large temple dont l’autel est orné de mandalas fascinants. Deux cent moines, vêtus de tuniques rouge sombre, assis en posture méditative, récitent des séries de mantras. Un puissant et grave bourdonnement empli l’air et perce le cœur comme un voyage de l’âme. Dans une aile du temple, réservée aux visiteurs, je m’installe discrètement. Je contemple cette scène unique. Une lumière invisible inonde le temple, qui vibre au rythme des liturgies profondes et monocordes. Cela procure un effet de transe somme un roulement de tambour. Je balaye du regard les visages des moines qui psalmodient en chœur. Certains recueillis semblent frôler le divin tandis que d’autres baillent aux corneilles, se déconcentrent ou discutent en chuchotant. Je me dis qu’en tout lieu la nature humaine est semblable. L’éveil est un art difficile. La prière s’achève sans crier gare. Le grondement hypnotique soudain se tait. Les moines sortent comme des écoliers. Un flot agité et joyeux. Nous nous sourions avec douceur. En silence, les visiteurs pénètrent dans le temple, s’installent près de l’autel et attendent la venue du Lama Karmapa. Une vibration élevée enveloppe l’atmosphère et semble se déverser des cieux comme un nectar brûlant. Des larmes inexplicables jaillissent. Dès l’entrée du Saint homme, tous se lèvent, se prosternent, et s’approchent à tour de rôle, pour recevoir protection et lumière. Avec une immense tendresse et un regard de compassion, le grand moine offre à chacun un lacet rouge, symbole d’amour universel. Je reçois ce cadeau, comme un signe de bon augure sur ma route pèlerine. Je quitte le temple, émerveillée.

Les ruelles des hauteurs de Mc Leod Ganj sont teintées d’une ambiance tibétaine. Des musiques du toit du monde résonnent des échoppes, les drapeaux à prière vibrent dans le vent rosé du soir et des visages sereins et rieurs croisent le mien. Le crépuscule dessine sur les voiles du ciel, une fresque d’or brun et de vieux rose. Je reste un instant éternel suspendue aux variations de lumière, comme si j’attendais un message. Le mantra « Om Mani Padme Hum » sur une musique new âge, s’élève d’une échoppe comme un chant magique. Mon âme est aux nues. Un papillon qui s’envole vers le grand amour.

Yanna Byls

Extrait de la « Fiancée du bout du Monde » (Editions Livres du monde)

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