Mon Odyssée dans les Balkans, MACEDOINE

REPUBLIQUE DE MACEDOINE DU NORD

A la croisée des cultures grecque, romaine, byzantine, serbe, bulgare, albanaise et ottomane ainsi que des grandes traditions religieuses monothéistes chrétiennes, juives et musulmanes, la République de Macédoine fut depuis des siècles le foyer principal au cœur des Balkans, de l’orthodoxie slave comme du soufisme. Les différents empires qui se sont succédés sur ces terres de passage ont laissé un étonnant et précieux héritage, dont témoignent les monastères, les églises, les mosquées ou les tekkés. Ce territoire aux mille influences est resté imprégné par la présence illyrienne et thrace, de grandes civilisations qui ont façonné le pays depuis des temps lointains. Dès le 8ème siècle avant notre ère, d’innombrables dynasties des différentes tribus illyriennes s’établirent sur les terres des actuels Balkans. Selon les historiens, ils sont les ancêtres des Albanais. Mais au 6ème siècle avant le Christ, deux royaumes prédominants émergent alors. Le royaume d’Illyrie qui s’étalait sur les terres actuelles d’Albanie, du Monténégro, du sud de la Croatie et de l’ouest la République de Macédoine. Et le royaume de Dardanie qui s’étendait sur les régions actuelles du Kosovo, de la Serbie et de la République de Macédoine. Mais Darius le Grand, puissant roi de Perse, tenta de conquérir ces terres abondantes en dominant les Péoniens et les Thraces. Une caste de guerriers péoniens créa alors une dynastie qui donnera naissance au royaume Péonien. Par la suite, il s’étira sur l’ouest de la République de Macédoine et sur l’est de la Bulgarie. Il était composé du peuple péonien, illyrien et thrace. Mais ce même siècle connaîtra l’avènement du royaume de Macédoine, qui au départ régna sur les territoires de la Grèce actuelle. Il était composé de tribus grecques et de peuples thraces et illyriens hellénisés. Au 4ème siècle avant notre ère, ce royaume cherchera à étendre son pouvoir et à conquérir les territoires de l’actuelle Macédoine. C’est à ces attaques que le roi Philippe 2 de Macédoine, accompagné par son fils répondront par des campagnes militaires. Mais les ambitions d’Alexandre le Grand dépasseront la conquête péonienne. A la mort de son père, qu’il décide de venger, il s’attaquera aux cités du sud de la Grèce. Puis, la victoire remportée, il s’engagera avec ses soldats dans une très longue compagne vers l’est, se battant avec audace contre l’immense royaume de Perse, animé par une incoercible passion de conquête. Mais plus tard, les provinces balkaniques seront dominées par les Romains et intégreront l’empire d’Orient avec Byzance pour capitale. Mais au Moyen Âge, la Macédoine restée byzantine connaîtra l’émergence du royaume serbe et de l’empire bulgare. De nouveaux peuples tels que les Wisigoths au 4ème siècle et les Ostrogoths au 5ème siècle surgissent et se mêlent alors aux populations locales de culture gréco-romaine devenues chrétiennes et de langues illyrienne et thracienne. Après les Huns venus d’Asie, les Slaves d’Europe du Nord et les Avares, turcophones d’Asie viendront s’installer sur ces terres, aux carrefours des mondes. Ces derniers domineront les Balkans jusqu’au 9ème siècle. Mais une nouvelle ethnie turco-slave émerge alors. Ce seront les Bulgares qui fonderont un puissant empire au 7ème siècle, au bord de la mer Noire.  Cet immense empire sera dirigé par un khan de culture mongole et de langue turque, mais dont les peuples seront slaves et roumains. Au fil du temps, les souverains khans se feront convertir au christianisme par les byzantins et prendront le titre de tsar. Le pays se voit doté alors d’églises. Au 10ème, le dernier tsar bulgare, Samuel Ier, établit sa capitale à Ohrid et en fait un important centre religieux et intellectuel du monde slave. Après moultes péripéties l’empire ottoman s’empare des territoires de Macédoine qu’il dominera pendant 7 siècles. Toutes ces influences culturelles et religieuses composent de nos jours une surprenante mosaïque ethnique sur ces terres à l’histoire foisonnante.    

Skopje

Skopje

Le quartier du bazar de Skopje nommé Carsija représente la plus spectaculaire vieille ville ottomane des Balkans. Extrêmement bien préservée, elle est dotée d’un labyrinthe de ruelles pavées et d’un immense bazar. Les venelles sont bordées de vieilles échoppes, de maisons de bois en encorbellement, de somptueuses mosquées, d’imposants caravansérails, de bains turcs transformés en galerie d’art, de fontaines rafraîchissantes, ainsi que de Bezistens, qui sont les marchés couverts traditionnels de tissus. La structure urbaine du bazar s’articulait autour de la mosquée et de sa tour de l’horloge qui indiquait les heures de prière ainsi que ses fontaines pour les ablutions rituelles. Ce quartier commerçant fut conçu par les sultans et les pachas ottomans comme une étape pour les marchands itinérants qui sillonnaient les axes routiers entre Constantinople, Thessalonique, Raguse et Venise. Les caravansérails leur servaient de gîte et d’entrepôts pour leurs marchandises. Le soir venu, ils avaient le loisir de troquer des denrées ordinaires ou précieuses dans des ateliers ou des échoppes avoisinantes, puis de se rendre à la mosquée ou au hammam pour se détendre et y faire des rencontres profitables. Très renommé, ce quartier abritait des ruelles marchandes organisées par métier, ce qui facilitait les allers et venues des artisans et des caravanes nomades, logés dans les auberges-entrepôts que constituaient les caravansérails destinés aux voyageurs. Sous la domination ottomane, les échanges entre les régions étaient favorisés par ces centres névralgiques urbains, ce qui accroissait considérablement la puissance de l’empire. La vieille ville de Skopje est encore essentiellement peuplée de musulmans albanais et turcs, comme il y a sept siècles. Au cœur du vieux souk ottoman, encerclé de monuments extraordinaires, je déambule au gré des venelles. Des trésors inestimables reposent depuis plus de 7 siècles avec un charme séduisant. Le long des ruelles du bazar, des boutiques très anciennes datant de la conquête turque dans les Balkans, sont encore aujourd’hui utilisées par les marchands d’or, comme lors de la création du souk. Je chemine sous le soleil dans les impasses qui serpentent entre de fascinants hammams à l’allure grandiose, qui illustrent à merveille le faste passé de ce puissant empire. Ayant été parfaitement restauré, ils abritent maintenant des galeries d’art, ce qui est une idée merveilleuse. Etreignant la vieille ville, une impressionnante forteresse se dresse sur les hauteurs. Elle offre une touche médiévale à ce décor authentique d’un autre temps, où la cité se réduisait au quartier du bazar. Le plus fascinant est de découvrir, que dans un périmètre réduit tant de beautés coexistent toujours, pour le plus grand plaisir des habitants ainsi que des visiteurs. Une imposante mosquée qui porte le nom du pacha de la ville trône sur une petite colline à deux pas des venelles commerçantes du bazar ottoman. Sous les dômes blancs, des fresques bleues aux formes d’arabesques déposent une note orientale ravissante sur la majestueuse mosquée qui surplombe le bazar. Mais à quelques jets de pierre, une somptueuse église orthodoxe repose protégée d’un mur d’enceinte. Elle s’apparente plutôt à une maison de maître du moyen-âge plutôt qu’à un site religieux. Je défile au gré des ruelles, où des terrasses de cafés, décorées de pots de fleurs accueillent les visiteurs qui désirent se délasser au sein d’une atmosphère surannée d’une autre ère. Des musiques relaxantes s’élèvent ici et là en une douce cacophonie. Plus loin, au bout de la vieille cité se trouve le marché alimentaire des plus typiques. Des montagnes de fruits secs trônent près de fromages frais ou de pots de miel artisanaux sur les stands. Des produits locaux sont disséminés entre les allées emplies de fruits et de légumes cultivés et récoltés dans les villages avoisinants. Une ambiance foisonnante se lève au sein d’un chaos animé et raconte la vie locale depuis des temps lointains.

Trapeja

Trapeja

Nous poursuivons notre voyage au bord du merveilleux lac Ohrid. Et nous installons pour quelques jours enchantés à Trapeja, un ancien village de pêcheur. Il s’apparente à une carte postale : plages de galets blancs au bord d’une eau turquoise, petites criques sauvages que des pins ou des saules pleureurs ombrent avec une poésie sensorielle. Il n’y a rien d’autre à faire que de s’adonner à la contemplation. Nos journées s’étirent dans une grande oisive et si nourrissante. Savourer les délices des sens, s’abandonner à la beauté du paysage, nager au large de la ravissante baie de pêcheurs, devenue un lieu idéal pour les vacanciers. S’allonger sur les galets chauds et polis par les vaguelettes onctueuses, se laisser rêver à la perfection ou traverser par la magie du décor idyllique. Mais aussi éviter les nombreux serpents d’eau qui sillonnent les eaux émeraude, avec une incroyable vélocité, l’air déterminé. Les pieds trempés dans l’eau, se laisser caresser par de petits poissons. Regarder les vieux pêcheurs pêcher sur les pontons de bois des rives tranquilles. Et le soir admirer les fabuleux coucher du soleil glisser dans les eaux suaves, en colorant le tableau de giclées roses, parmes et saumonées. Dans un restaurant traditionnel des bords de l’eau, savourer à même les galets, une truite du lac grillée au feu de bois, accompagnée d’un vin local fruité au goût intense. Et s’évader en contemplant le ballet enlevé des hirondelles qui virevoltent en tous sens en une incontestable harmonie. Se laisser traverser par la beauté palpitante de la nature unique et millénaire. Ecouter le soir dans les cafés des berges les musiques folkloriques macédoniennes, impromptus où des musiciens font résonner leur accordéon, violon, et contrebasse pour accompagner des chants populaires aux rythmes balkaniques qui s’apparentent à des mélodies orientales et que chaque habitant connaît par cœur. Se sentir heureux de vivre et d’offrir cette joie sacrée en retour à la nature ainsi qu’aux habitants de ce village magnifique, surnommé le Saint Tropez du lac Ohrid de Macédoine.

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