Bribes d’un périple aventureux sur la route de la soie, TURQUIE

Turquie

L’inexorable chemin se poursuit. Une passion irréductible semble me faire avancer, de contrées en contrées ; bien au-delà du désir de cheminer sur la route mythique de la soie à travers l’Asie centrale, de la Turquie à la Chine, mais d’entrevoir à travers la beauté des cultures rencontrées, un brin de sacré, le noyau dur de l’humanité, des bribes d’éternité. Je reste cependant fascinée par ces destinations improbables, relevant presque du rêve, que les marchands et les pèlerins des siècles passés avaient décidé d’atteindre contre vents et marées. D’emprunter cette même route vieille depuis plusieurs millénaires, semble m’encrer dans le présent, où ma condition humaine s’inscrit à mon époque, mais porteuse des racines profondes des civilisations lointaines et des époques révolues. Cette route légendaire qui offrait des étapes exotiques aux voyageurs, où se tissaient des liens, des échanges et des histoires dans des décors envoûtants, est maintenant mon chemin, ma quête du soi !

LA ROUTE DE LA SOIE DANS L’HISTOIRE

Cette route des caravanes qui reliait la Chine aux civilisations occidentales et qui débutait dans la ville de Xi’an, fut de tout temps une route importante sur laquelle, non seulement des marchandises mais aussi des idées étaient échangées entre deux immenses civilisations qui régnaient en ces temps sur le monde, la Chine et l’Empire Romain. Le point de jonction majeur le long de ces 6400 km de route était la cité de Kashgar, en Chine. Les caravanes marchandes ralliaient cette ville, s’acheminant soit vers la mer Caspienne en longeant les vallées afghanes ou vers l’Anatolie en traversant l’Iran et les montagnes Karakorum. Les caravanes poursuivaient ensuite leur route d’Anatolie jusqu’en Europe, soit par voie maritime ou par voie terrestre sur la route de la soie passant par Thrace. Le grand voyageur, Marco Polo, a lui aussi emprunté cette route incroyable afin de regagner la Chine. De nos jours, cette route légendaire offre toujours une merveilleuse diversité historique et culturelle, un foisonnement surprenant sur les traces des cultures, des religions et des peuples qui se sont étendus sur des siècles. L’industrie de la soie a joué un rôle capital dans l’économie de nombreuses nations et cela depuis des temps reculés. Ainsi, la soie et les épices venues des confins de l’Est ont toujours eues une place de choix dans les relations internationales. La soie a aussi ouvert le chemin de la rencontre entre les civilisations occidentales et orientales. Son commerce initié par les marchands qui voyageaient dans les deux directions, a aussi contribué à un métissage culturel. L’usage de la soie chinoise dans les civilisations de l’Ouest date de 750 avant J.C. Les Égyptiens puis les Romains ont été les premiers à rechercher les soies venues de Chine. De plus, vers l’an 550, les moines chrétiens ont eux aussi importer des cocons de vers à soie de Chine jusqu’à Byzance. Les caravanes transportaient d’un continent à l’autre, de la soie, du papier, des épices, des pierres précieuses, en suivant diverses routes avant d’arriver en Anatolie, souvent l’ultime étape. Dès cette époque, ces routes des caravanes seront baptisées la route de la soie et l’Anatolie sera un carrefour situé au croisement de ces routes.

Pendant la période Seljuke, des caravansérails ont été construits en Anatolie. Après que l’Europe se soit mise à produire de la soie durant le seizième et le dix-septième siècle, la route de la soie a progressivement perdue sa signification première. D’autre part, l’accroissement des activités maritimes a peu à peu éliminé le commerce des caravanes d’un continent vers l’autre. Les produis des confins de l’Est ont alors perdu leur attrait de départ. La route de la soie s’est vue moins fréquentée, puis est tombée en désuétude pour ne plus être utilisée après le dix-neuvième siècle.

SIVAS

La cité de Sivas, carrefour des cultures de toutes les époques, déborde d’histoire : envahie par les Perses, les Seldjoukides puis par les Mongoles. Le grand Amir Timur poussa sa conquête frénétique du monde jusqu’à Sivas. Les impressionnantes Medresas édifiées au treizième siècle par des Sultans Seldjoukides venus de Perse, resplendissent. Deux minarets ornés de céramique bleu d’Orient semblent déchirer le ciel aux reflets azurs. Les ornements et frises de pierre du gigantesque portail s’apparentent aux joyeux des Medresas de Samarcande. Un rêve de grandeur démesuré de ceux qui désiraient conquérir le monde. A l’instar d’Amir Timur qui fit édifier les merveilles architecturales de Samarcande et de Boukhara – les cités phare d’Asie centrale sur la route de la soie – les Sultans Seldjoukides et ceux de l’Empire Ottoman ont à leur tour, édifié à leur gloire triomphante, des mosquées et des caravansérails. Dans la Medresa Muzaffer Buruciye, devenue un café, je fais une halte inspirante à l’ombre fraîche d’une alcôve qui abrite le tombeau d’un sultan, et savoure un karadut sucré. Des notes langoureuses d’un saz turc aux accords suaves et mélancoliques flottent comme des fragrances poétiques sur la splendeur ravivée. Et comme en rêve, un jeune homme au regard doux vient à moi. Il se prénomme Samet. Nous prenons un thé ensemble comme depuis mille ans, dans ce décor immortel. Ses yeux rient et expriment la joie. Avec chaleur, il me confie qu’il aime voyager afin d’absorber le monde et de faire d’inoubliables rencontres. Et dans une impulsion dictée par le cœur, il m’invite à m’installer chez lui, le temps de mon escale ici, comme si nous étions de vieux amis retrouvés.  Une musique folklorique au rythme enjoué se dilue au sein de la vieille medresa dans laquelle, huit siècles après son édification, nous nous rencontrons. Le jour s’éteint comme une promesse. Nous quittons le café, et nous enfonçons dans une venelle sombre et bruyante à quelques jets de pierre de la place principale. Avec, une spontanéité généreuse, Samet m’offre une salade avec des piments verts accompagnés de jus de fruit et de pain artisanal tout juste sorti du four du boulanger du coin de la rue. Dans un rire, Samet me révèle que voyager est la chose la plus belle qui soit. En voguant ainsi vers l’inconnu à travers le monde, on permet la rencontre et la fusion des cultures. Les ancêtres aussi, depuis la nuit des temps ramenaient des trouvailles inestimables, autant spirituelles que tangibles, de leurs pérégrinations lointaines. La nuit se déroule comme un fil tissé entre le passé et le présent.

TOKAT

L’épopée à travers l’Anatolie sur la route de la soie se poursuit, dans un joyeux cheminement. Un magnifique caravansérail du dix-huitième siècle, de l’époque Ottomane, située au cœur de la bourgade, m’attire comme un charme. Face à l’arche imposante, je découvre que l’ancien gîte pour les caravanes s’est transformé en un plaisant lieu de vie. Autour de la fontaine, où jadis les nomades faisaient boire chevaux, dromadaires ou ânes, un café a élu domicile. Sous les arches de pierre qui bordent le cœur du caravansérail, fourmillent les étals des marchands, d’un bazar où des kilims, des foulards de coton, et des objets décoratifs de métal rappellent l’héritage traditionnel de la région. Une énergie vivante colore l’atmosphère d’une touche romanesque. Je vagabonde, l’âme légère, au gré des ruelles d’un bazar typique où des marchands vendent fruits et légumes sur des charrettes de bois aux roues peintes devant de vieilles bâtisses de bois prêtes à s’effondrer, ou d’échoppes décaties qu’on assimilerait à un décor de cinéma. Des vieux, ridés comme des parchemins, assis sur un balcon de bois démantibulé, fument le narguilé avec une nonchalance jouissive. Comme si le temps n’avait plus de prise sur eux, ils sirotent du café noir avec des mines qui traduisent les plaisirs épicuriens. Lentement, ils me hèlent et m’invitent à venir prendre le thé, alors que les minarets de toutes les mosquées du quartier se mettent à vibrer à l’unisson du chant d’Allah. Je poursuis mon chemin, me perds dans les venelles aux maisons défraîchies et au café vieillot puis fais halte dans une cantine populaire où un homme charmant me sert de la soupe chorba aux épices rouges, accompagnée de longs piments verts au boulgour. Il ne cesse de me sourire avec une tendre béatitude. Au loin, sous le ciel transparent, à l’instar de la citadelle d’Amasya, les ruines fatiguées d’une forteresse trônent sur le sommet d’une raide falaise. Au pied de la forteresse, devant le musée de Tokat, qui jadis abritait un grand bazar, le conservateur du musée s’amuse à vouloir m’offrir la tenue traditionnelle féminine ottomane faite de broderies fleuries, et ornée de pompons et de pièces d’argent. Dans un rire, je lui confie qu’il ne faudrait pas tenter le diable… et que je pourrais repartir vêtue comme une princesse Ottomane, et cheminer ainsi jusqu’en Chine.

GAZIANTEP

Je m’aventure à Gaziantep, étape oubliée sur la route de la soie où le long des ruelles de l’ancienne cité, des trésors architecturaux émerveillent le voyageur qui s’est aventuré vers l’inconnu. Au cœur de la vieille ville, un somptueux Han transformé en bazar attire mon attention. Tandis que je déambule, émerveillée, le long des étals, un marchand de douceurs d’Orient m’aborde, et m’offre quelques pâtisseries turques avec un thé, afin de bavarder avec moi. Tout sourire, il me confie qu’il est heureux de rencontrer une étrangère car cette ville, située dans la partie Est du pays est malheureusement très peu fréquentée par les visiteurs, cette zone plutôt kurde a toujours eu mauvaise presse.

Avec des yeux brillants, le marchand me dit :

« Mais toi tu es venue ! »

« J’en suis ravie ! » dis-je en savourant mon thé avec mes pâtisseries.

« Mais on t’avait dit que c’était dangereux ! »

« Non, que c’était juste un peu marginal. Les voyageurs savent qu’on ne craint rien dans l’Est de la Turquie ! »

« Alors pourquoi les visiteurs étrangers ne sont pas plus nombreux ?! »

« Car il n’y a pas tant de voyageurs qui aiment sillonner la route par eux-mêmes, hors des sentiers battus. Mais c’est tellement merveilleux par ici ! ça va finir par se savoir ! »

Le marchand me lance un sourire joyeux en me servant un autre thé fumant.

« Tu as raison !  D’ailleurs, les turcs d’Istanbul finissent par affluer ici, en fin de semaine, à la découverte de leur propre pays, qui leur est méconnue ! »

Nous nous sourions d’un sourire d’espoir et de lumière. Le marchand me contemple, intrigué, et me questionne sur mon voyage. Je lui raconte mon errance fabuleuse en me régalant d’un dernier loukoum puis quitte le merveilleux caravansérail chargé de mille histoires tombées dans l’oubli. Au hasard, j’emprunte une célèbre ruelle marchande qui conduit à la forteresse médiévale perchée sur une colline. Devant une belle échoppe aux épices infinies et fruits secs, un jeune homme d’une beauté troublante m’interpelle et m’offre le thé selon les traditions d’hospitalité de ce pays de rêve. Charmée, j’accepte. Le jeune homme prénommé Murad m’installe dans un petit salon oriental bariolé de couleurs, et m’offre un thé noir accompagné d’une coupelle de pistaches fraîches, spécialité de Gaziantep. Séduit, Murad me demande si je suis mariée et me parle sur un ton d’une volupté amusante qui traduit la séduction. Agréablement surprise, je lui explique que je suis très touchée, mais que je suis légèrement plus âgée que lui, pour utiliser une figure de style qu’on nomme litote ! Téméraire, Murad n’en croit rien ! Cela est très flatteur. Il poursuit son numéro exquis de séduction à l’orientale et me plonge dans une comédie romanesque du temps des Sultans Ottomans…Dans ses yeux danse la sarabande.

Nous prenons le thé en riant. Je contemple ce jeune homme, beau comme un Dieu, au visage sensuel et au regard inspiré, me jouer une fabuleuse sérénade de conquête amoureuse, où passion rime avec absolu et éternité. Les rires enchantés enveloppent l’atmosphère feutrée et parfumée d’épices et de piment de l’échoppe. Murad poursuit son numéro de séduction effréné avec une fougue vibrante qui me fait palpiter. Ces instants romantiques sont un baume pour le cœur. Avec tendresse, je lui certifie que sa fiancée aura bien de la chance ! Nous nous enlaçons avec une chaleur intense en nous souhaitant bonne chance. Je le quitte, le cœur remplie de bonnes ondes, l’échoppe d’épices devenue durant quelques instants un petit théâtre de l’amour.

Dans les venelles animées du bazar, des marchands poussent des charrettes remplies de coriandre, de citron vert ou d’oranges tandis que de jeunes garçons tirent des diables chargés de ballots de tissus qu’ils vont déposer dans un étal du marché.

Un homme vêtu d’un gilet oranger et d’un pagne rouge selon une mode traditionnelle d’antan, porte sur son dos, un samovar doré rempli de thé dont le bec verseur s’étire devant lui à l’horizontal comme un accoudoir. Je contemple ce drôle de personnage, tout droit sorti d’une légende moyenâgeuse et lui sourit d’un air intrigué, tandis qu’il poursuit son chemin d’un pas alerte, rendant je ne sais où. Face à la forteresse dont une longue muraille médiévale s’étire sur un petit mont rocailleux éclairé de soleil, une troupe de petits garçons joue avec frénésie au football.   Alors que je dépasse la joyeuse bande, les enfants s’interrompent dans leur jeu exalté et accourent à moi, à ma plus grande surprise. Un garçonnet adorable prénommé Akgül m’aborde dans un anglais fragile, qu’il apprend depuis peu à l’école. Les enfants m’encerclent, et se présentent à moi, d’un ton poli et farceur à la fois, comme si j’étais leur maîtresse d’école. Leurs prénoms sonnent comme une comptine ethnique tandis que leur visage traduit le formidable brassage des peuples depuis des lustres à la porte de la Mésopotamie ancienne. Nous bavardons à l’ombre clairsemé d’un arbre sous l’ardent soleil. Une tendresse inouïe nous embrasse. Les enfants me sourient émerveillés en me racontant des choses simples, des bribes de leur quotidien traduit dans une langue étrangère. Des rires candides crèvent le ciel et me percent le cœur. Nous nous quittons en nous saluant sans relâche, à l’infini, à la façon des enfants reliés à leurs instincts. Bonne chance à vous, petits bonhommes ! Belle vie à vous, enfants du monde de demain ! Le soleil entre dans son ère crépusculaire et distille ses teintes orangeâtes sur les venelles charmantes de la vieille cité. Sous des arches de pierre des étroites ruelles, des fillettes jouent à cache-cache comme dans tous les continents. Leurs rires en cascade se mêlent admirablement au bruit incessant des artisans qui frappent les métaux, plus loin, dans les échoppes de souvenirs de cuivre ou d’argent. Une puissante harmonie, d’une perfection esthétique se répand sur le monde comme une coulée d’amour. Mes pas me conduisent pour la fin du jour, vers un fameux caravansérail transformé en café à la mode, décoré de pompons, de tapis et de luminaires colorés, selon les traditions nomades, où la jeunesse vient écouter de la musique en fumant le narguilé.

Un concert de musique turc fait vibrer l’atmosphère. Des chants traditionnels aux sonorités intenses enveloppent l’âme du vieux Han, tandis que le public fredonne des fragments de mélodies en frappant des mains. Des rythmes enjoués de saz et de guitare accompagnent admirablement des chansons d’une gravité légère, dont les variations profondes aux couleurs émouvantes vont droit au cœur.

Alors que je me délecte du concert, seule, assise à une table, un groupe de jeunes gens, installé à une table voisine, me fait signe. Un des jeunes garçons se lève et m’invite à converser avec eux. Dans un anglais timide, le jeune homme me confie que ses amis désirent me connaître et qu’ils seraient heureux de discuter avec une étrangère. Ravie de cette rencontre, j’accepte avec joie, et viens m’installer à la table des jeunes gens. Ils sont étudiants et profitent entre amis de cette soirée de détente à flâner et écouter de la musique dans le fameux café du caravansérail.

Deux filles, Tïsllay et Derya et deux garçons Ibrahim et Hamza charmants tous les quatre. Des sourires larges comme le monde, des regards pleins d’espoir. Sont-ils fiancés ?! Oh non ! répondent-ils, presque écœurés à ma question idiote… ils sont amis, et libres, car tous viennent de rompre avec leur petit ami ou petite amie, pour profiter pleinement de la vie. Ibrahim, le jeune homme qui parle anglais et qui m’a abordé, me confie qu’en Turquie, les mœurs concernant le couple et les relations amoureuses sont très vieillottes, régies par des sentiments conventionnels de possession et de jalousie. Avec un enthousiasme, auquel ses amis répondent, il dit qu’il rêve d’une relation éveillée où passion rime avec liberté. Des rires se mêlent à la ribambelle de notes qui vibrent sous la tente nomade dressée dans la cour du célèbre Tütün Han. Dans un élan enflammé, je les félicite de leur claire-voyance, de leur quête d’une vie inspirée par leurs désirs profonds. A l’instar du « guerrier pacifique » des anciens textes de sagesse Toltèque, je leur révèle que ce chemin intime de vie – où chacun réinvente pour lui-même par-delà les cultures dans lesquelles il grandit – est une route merveilleuse mais parsemée d’embuches et qu’il faut se montrer fort pour devenir un être libre. Nous nous contemplons l’air radieux tandis que les accords du saz traditionnel grimpent dans airs comme des bulles de savon. Avec délectation, nous dégustons du thé à la pomme dans une atmosphère musicale et grisante. 

URFA

Les affres du voyage me conduisent à Urfa, cité mythique, l’une des plus anciennes de l’histoire. Cité légendaire où sont passés de grandes civilisations comme les Byzantins, le Perses, les Arabes, le Turcs, les Croisées. Ville sainte de l’époque biblique où Saint Georges aurait fait étape. Les écoles théologiques à Urfa ont joué un rôle important dans l’étendue du christianisme. Ville sainte musulmane où, selon la croyance coranique, le prophète Abraham serait né.

Mon âme palpite de découvrir cette cité envoûtante. Mon désir d’aventure atteint son paroxysme. Je trouve à me loger dans une ancienne demeure blanche où les chambres sont disposées autour d’un patio fleuri. Je dépose mon sac, quitte l’auberge, puis m’enfonce dans les venelles étroites et ombragées de la vieille ville. Le long d’impasses que de hauts murs de pierre bordent avec fière allure, la lumière crue du soleil irradie par endroits, des portes de bois et des balcons sculptés. Une violence délicieuse teinte le dédale des ruelles. Au-dessus des arches d’entrées des maisons, d’étonnantes plaques de métal peintes attirent l’attention. Comme un tableau d’art naïf, ces décorations de portes illustrent avec une joyeuse candeur des représentations figuratives multicolores de la ville sainte de La Mecque, des écritures sacrées des sourates du Coran, entourées d’illustrations de fleurs roses ou rouges. Parfois, les fresques florales peintes se prolongent sur les murs blancs qui bordent une porte devant de véritables œuvres d’art, que des rectangles d’un ciel bleu limpide éclairent avec une lumineuse pureté. Au gré des venelles irradiantes de blancheur, je me perds dans les méandres inextricables du labyrinthe des ruelles et débouche au hasard sur un petit carrefour aveuglant de soleil, où devant une maison un groupe d’enfants s’amuse. La petite troupe joyeuse se lève à mon arrivée dans un ramdam terrible. Les enfants sautent à pied joint, les bras au ciel, dansent et hurlent avec un enthousiasme explosif. Les quatre garçons turbulents m’entraînent à l’intérieur de la maison où des femmes souriantes, surprises de ma visite, n’hésitent pas à m’inviter pour un thé noir avec des pâtisseries roses. Les femmes, épouses de trois frères vivants sous le même toit, s’installent sur des tapis en demi-cercle tout autour de moi, alors que les bambins affectueux m’entourent puis m’embrassent avec un débordement de tendresse. Surgit la grand-mère, une vieille femme vêtue de blanc, qui semble se faire une joie de la venue d’une étrangère dans sa maison. Lentement, elle s’assied à mes côtés sur d’épais matelas fleuri, me tend des mains ridées que je ne parviens à lâcher, puis m’embrasse d’un baiser bruyant et affectueux, alors que les enfants excités s’amusent à sauter tout autour de nous dans une cacophonie hurlante, et qui s’achève – comme on pouvait le prévoir – par les pleurs du plus petit. Les rires se lèvent au cœur de cette atmosphère familiale survoltée. Les femmes aimables me parlent en langue kurde, puis avec les mains, en me contemplant en train de boire le thé, comme si j’étais une star de cinéma. Nous rions de bon cœur. Une douceur de vivre radieuse colore l’atmosphère et nous réchauffe l’âme. En guise d’adieu, les enfants posent comme des soldats dans l’entrebâillement de la porte, des mitraillettes en plastique dans les bras, tandis que les femmes heureuses éclatent de grands rires naïfs. Nous nous saluons avec des effusions incroyables puis je reprends ma route solitaire sous un ciel limpide, jusqu’au grand bazar mythique qui semble sortir tout droit de l’époque biblique. Au carrefour central du bazar, une cohue fascinante se disperse ici et là, au hasard des impasses du marché qui mènent vers différents artisans. Les hommes pressés poussant des charriots de bois peints remplis de fruits ou de légumes bousculent les passants pour s’engouffrer dans les allées étroites et sombres du bazar. Devant des étals, des femmes vêtues de noires choisissent avec délicatesse les tissus soyeux qui leur plaisent. Dans la venelle des épices, des parfums enivrants se distillent dans l’air saturé de fragrances et brillant de soleil. Des scènes de vie d’une troublante authenticité semblent venir d’un monde lointain et formidable. Dans la ruelle des forgerons, des hommes frappent le métal chauffé devant un feu, puis répètent cette scène à l’infini, avec une puissance fascinante, sous la chaleur irradiante des flammes. Plus loin, des menuisiers poncent du bois clair pour confectionner des armoires ou des chaises, devant des montagnes de berceaux, d’étagères, de commodes comme dans la subjuguante caverne d’Ali Baba. Dans l’allée des épices, devant des pyramides de poudre et de plantes de toutes les couleurs, un jeune homme magnifique me fait goûter aux délicieux loukoums rose et jaune. Des ribambelles de poivrons, d’aubergine et piments séchés dansent au-dessus de nos têtes comme un décor de carnaval. Je déambule encore, à l’azimut, enchantée de plonger dans cette atmosphère charmante d’un autre âge, qui a su converser toute sa fraîcheur, comme par miracle. Dans les allées des objets de métal, des artisans confectionnent des plateaux décoratifs de cuivre. Ils frappent à l’aide de maillets sur les rebords ou créent à l’aide d’outils pointus, des reliefs circulaires ou floraux, agrémentant ainsi l’objet. Ils sont aidés par des adolescents qui ajoutent ici et là des traits de peinture ou colorient certains motifs. Tous travaillent avec une énergie époustouflante dans un brouhaha étonnant.  La rumeur tonitruante semble se répandre par-delà le bazar comme le symbole d’une vie artisanale. Au hasard de la promenade, je débouche sur un ancien caravansérail d’une blancheur magnifique et tombant en ruine où ici et là, dessous des arches de pierres, des éboulis de cailloux reposent dans un abandon silencieux.

Dans la grande cour du Han abandonné, un salon de thé populaire, uniquement réservé aux hommes s’est installé provisoirement dans ce décor d’un autre temps, prêt à s’écrouler à tout moment. Les hommes coiffés de toges, ou de foulards blancs ou rouges jouent au domino, au backgammon ou aux cartes, avec une véhémence amicale. Ils sirotent du café turc d’une noirceur d’abîme, sous le ciel pur qui flotte au-dessus du han chargé d’histoires et de mystère. Je poursuis le chemin qui me guide vers un marché couvert aux mille et un tissu puis débouche sur un autre caravansérail, gracieux et restauré, devenu un bazar de tapis, où sous des arches, des boutiques exhibent des montagnes de tapis de laine colorés et tissés. Un marchand jovial m’invite sur le balcon extérieur à prendre un thé à la pomme et à bavarder avec allégresse à l’instar des marchands qui défilaient jadis dans ce caravansérail d’une époque révolue. Je me perds encore dans les venelles étroites et se ressemblant toutes. Mes pas enchanteurs me conduisent comme par magie dans un autre caravansérail, devenu un magnifique café, élégant et décoré, lieu de rendez-vous privilégié, où familles et étudiants se retrouvent pour prendre un verre et bavarder. Au fond du Han envoûtant d’esthétisme, un groupe de vieillards est installé, autour de tables basses. Comme chaque jour que Dieu fait, ils jouent aux cartes ou bavardent tranquillement. Un vieux monsieur, coiffé d’une toge beige, me fait signe de la main de m’approcher, m’invite à sa table. Lui et ses compagnons prennent le thé, en silence, dans la fraîcheur de l’ombre. Tantôt les vieux amis se contemplent l’air absent ou regardent dans le vide, l’esprit happé par je ne sais quelle pensée soudaine, puis empressés commande un café fort avant de reposer, immobiles comme en méditation, les mains occupées à tenir un chapelet coranique, dont les doigts maigres et ridés font danser les perles une à une, comme des souvenirs enfouis. Le vieux monsieur prénommé Rachid m’offre gentiment un thé, puis sort de la poche de sa veste, un morceau de papier et un crayon. Il écrit avec une lenteur délicate les bribes d’une prière coranique destinée à me protéger. Il me tend ensuite le mot replié, comme un message ou une initiation secrète, et d’un regard d’une profondeur vertigineuse, m’invite à la ranger précieusement dans mon sac. Nous restons ainsi dans un silence feutré, à savourer notre thé noir. Atmosphère d’une lenteur dépouillée. Un sourire habité nous embrasse. Lentement, je me lève, salue l’assemblée désincarnée comme un songe, puis m’en retourne dans la cohue déferlante des venelles du bazar, les mots bienfaisants d’Allah dans mon sac.

Mes pas me conduisent vers le fameux jardin de Gölbasi, situé en contrebas de la forteresse où reposent de beaux bassins poissonneux d’un bleu émeraude autour d’élégantes arcades de pierres d’un faste d’Orient. Autour du magnifique bassin des carpes sacrées, les visiteurs déambulent l’air radieux puis se font photographier en costume de sultan, scintillant de paillettes dans ce décor mythique. Délicatement, l’heure vire au rose. Le grand soleil irradie de lueurs chaudes le décor fabuleux alentour, les bassins d’eau émeraude, les jardins parfumés et la grandiose mosquée près de laquelle se trouve la grotte sacrée, où le prophète d’Abraham serait né. Selon la légende musulmane, le roi Nemrod aurait eu en songe la vision prémonitoire de l’avènementde son royaume par un futur prophète, qui devait naître très prochainement. Le Roi furieux fit exécuter les femmes enceintes afin de préserver son trône. La mère d’Abraham, apeurée, se cacha dans la grotte pour donner le jour à son fils, dont le destin était de devenir un grand prophète.  Les rayons rosâtres du couchant glissent sur la coupole claire de la mosquée légendaire. Lentement, entourée d’une foule bigarrée, je traverse la cour caressée de rayons solaires et pénètre dans la grotte mystique et vibrante d’énergie spirituelle. Au cœur du lieu saint, des femmes agenouillées sur des tapis multicolores prient ou pleurent, en agitant des perles d’un chapelet avec un empressement fébrile. Certaines immobiles, les mains posées sur les roches, parlent à Dieu ou boivent délicatement l’eau sacrée de la fontaine qui jaillit de la grotte éternelle. Comme elles, j’accomplie ces gestes rituels, m’imprègne de cette invisible lumière et me laisse bercer par ce puissant pouvoir de guérison qui se distille de la grotte obscure et chargée d’un magnétisme incoercible. Quand je ressors du lieu sacré, la nuit est déjà tombée sur la cité enchanteresse, brillante de mille lumières. La grande mosquée est illuminée de lumière verte, à l’instar de la forteresse qui surplombe les hauteurs. J’emprunte le chemin peuplé de cafés qui serpente aux portes de la forteresse. Une vue nocturne invitant au rêve enveloppe la cité mythique. Les lumières de la nuit semblent se fondre aux étoiles avec une grâce esthétique.

Comme par magie, je fais la connaissance d’un jeune syrien charmant, prénommé Amjad. Il m’aborde dans un anglais parfait, le regard emprunt d’une douce pétillante. Nous bavardons tout naturellement sur le chemin de pierre qui serpente vers la forteresse, alors que la nuit claire, baignée de rayons lunaires, nous enveloppe tendrement. Nous descendons la colline illuminée des feux nocturnes pour regagner un petit bassin turquoise sur lequel dansent quelques barques de bois. Nous nous installons à la terrasse d’un café qui borde les eaux suaves éclairées d’ombres de lune.

Une poésie enchanteresse semble hanter les lieux. Amjad me contemple d’un sourire rayonnant derrière lequel je perçois une sensible fragilité. Comme si nous nous connaissons, je l’interroge :

« Amjad, que fais-tu dans cette cité, à Urfa, toi qui viens de Syrie ? »

« Je suis ici par hasard, en transit à cause de la guerre, comme tant d’autres, suis venue à Urfa pour construire une vie, alors que rien ne me destinait à vivre en Turquie ! « 

« Comment vis-tu cet exil, ce déchirement ?! »

En Syrie, je venais d’une famille de la haute bourgeoise, très riche et éduquée. Nous possédions des terres et des propriétés, que nous avons malheureusement perdues lors de la guerre. Par chance, personne de ma famille n’est mort à la guerre. Les parents sont restés au pays, tandis que leurs enfants ont émigré dans les pays voisins pour étudier et construire un avenir. Il y a un dicton en Syrie, employé par la jeunesse qui se sent lésée, comme une fleur arrachée à la racine : – alors que tu construis ta propre vie et bâtis ton avenir, ton pays s’écroule et périclite – Voilà ce que vit toute une génération de jeunes, aux destins brisés. Ils ressentent une immense injustice face à ce vide concernant leur devenir ! »

« S’il n’y avait pas eu la guerre, qu’aurais-tu fais ?!

« J’étais sur le point d’étudier la science politique et le droit à Londres ! Et voilà que je me retrouve à Urfa, en Turquie, entant que réfugié politique, à chercher un job de serveur pour assurer ma survie… »

Un silence profond nous caresse. Un silence teinté d’émotions fortes. Le beau Amjad plonge son regard sombre dans mes yeux comme une prière. Puis m’envoûte lentement. Doucement son regard s’apaise, une vibration de tendresse émane de ses yeux. Il me semble que les méandres de la guerre n’auront jamais raison d’une telle nature, d’un cœur si vrai et aimant. La nuit s’étire. La brise monte de derrière les arbres et fait frémir les eaux muettes et bleu marine du petit lac sacré. Une vieille barque remplie de femmes et d’enfants, glisse. Le serveur nous sert du thé noir, que nous savourons lentement sous l’éclairage de la lune qui vacille dans le vent. Le beau Amjad me serre les mains sans jamais les lâcher.

Je dis : « Amjad, très sincèrement, je ne me fais aucun souci pour toi, j’ai l’intuition que tu vas t’en sortir, que tu vas rebondir et un très beau chemin s’offre à toi… ». Je dis ces mots sans réfléchir comme s’ils venaient tout seul du fond de mes entrailles ou d’une connaissance visionnaire. Les mots vrais s’échappent de moi comme une prophétie pleine d’espoir, de rêve, et de lumière, qu’Amjad doit recevoir à cet instant…

Les mots s’envolent vers la lune majestueuse. Nos mains se serrent à se rompre, et emprunts de fébrilité, quelques douces larmes coulent sur nos joues. Puis calmement, Amjad m’offre un sourire d’une lumière radieuse, et me chuchote avec une délicatesse d’enfant, des bribes de phrases qui disent : « Tu as raison, je le sais déjà ! » Doucement, je chuchote à mon tour : « Je suis venue vers toi ce soir pour te dire ces paroles d’espoir. C’est cela que tu devais entendre ! »

La nuit s’étire, la lune monte, le café ferme ses portes. En silence, nous nous enlaçons, d’une étreinte de paix.

MARDIN

VOYAGE AU PAYS DES SENSATIONS

La cité de Mardin est située entre le Tigre et l’Euphrate, au cœur de la Mésopotamie. Son nom qui signifie le pays entre deux rivières, futdonné par les Grecs anciens. Mardin est perché sur le sommet d’une colline qui surplombe la plaine Mésopotamienne. Depuis des temps reculés, cette plaine est considérée comme un grenier à grains. Et grâce à cette fertilité exceptionnelle de la terre, la Mésopotamie fut le berceau de maintes civilisations. Les plus vielles légendes du monde remontées jusqu’à nous, sont nées de cette fascinante région. On dit que le château de Mardin, fut bâti par un roi nommé Shad Buhari qui était un fervent adepte du Dieu du Soleil et du Feu, au troisième siècle avant notre ère. Selon la légende, le roi fut très malade puis guéri miraculeusement alors qu’il vivait toujours dans le château. On raconte aussi la célèbre légende de Maani de Mardin. En 1643, le voyageur français Jean-Baptiste Tavernier qui venait d’Urfa fit étape à Mardin et raconta dans ses mémoires, l’histoire d’une femme, Maani. Mardin était la ville de naissance de Maani, la première femme du voyageur Pietro Dellavalle. Ce dernier épousa la jeune femme à Bagdad puis ils voyagèrent ensemble pendant cinq années. Malheureusement, la belle Maani mourut soudainement. Le mari brisé par cet immense chagrin et tant épris de sa défunte femme, poursuivit le voyage en transportant son corps dans un cercueil puis l’enterra à Rome à son retour. Au début de l’ère chrétienne, vers le troisième siècle, des moines et des saints vivant comme des ermites dans des grottes alentours, se consacrent à la méditation. Ils deviennent ainsi les représentants de cette nouvelle religion implantée en Anatolie, à Urfa particulièrement, après que les populations aient délaissé les idoles animistes pour le christianisme.

MIDYAT

BALADE DANS LA VIEILLE VILLE

Un authentique bazar conduit à l’ancienne cité millénaire où le temps semble avoir oublié de couler. Dans l’allée centrale du vieux marché, bordée d’étals d’épices aux fragrances pimentés, et de tissus soyeux qui dansent dans la brise douce du petit matin, vélopousses, charrettes et ânes défilent comme au temps biblique. Des femmes enturbannées de cotonnades blanches et brodées, au regard d’ombre, déambulent au gré des échoppes, pour leur marché matinal. De vieilles paysannes aux visages mystérieux et marquées, descendues des campagnes alentours vendent des fromages de chèvres dans des larges panières, tandis que des hommes passent avec des charrettes remplies de pains ronds et roux. Au cœur de ce capharnaüm étincelant de couleurs, une agitation fébrile grandit. Des vendeurs ambulants de fruits et légumes sillonnent les allées où des monticules de céréales font face à des échoppes de pâtisseries turques ou de fruits secs. Des femmes syriennes venues migrer depuis la guerre, coiffées de voilage de coton brodé et portant de large balluchon de laine colorée, quittent progressivement la cohue exaltante du bazar pour s’enfoncer dans les venelles tortueuses de l’ancienne cité qui apparente à une médina orientale. Des enfants kurdes et syriens jouant au ballon sur la place principale de la vieille ville, courent en tout sens, crient et se disputent avec une violence exutoire. Le dédale labyrinthique des ruelles débouche ici ou là sur un somptueux palais royal de pierre rousse, sur une église orthodoxe ou sur une mosquée au minaret sculpté de frises d’un autre temps. Au hasard des ruelles, des habitants à cheval trottent le long de l’épaisse muraille de la cité fortifiée, à l’histoire immémoriale. Des motos attelées d’une charrette transportant des légumes ou du foin sillonnent dans les impasses millénaires de la cité, que les lueurs solaires caramélisent avec une grâce indicible. Les venelles mouchetées d’ombre ou lumineuses de soleil serpentent avec un charme médiéval. Ici, il est si aisé de se perdre et de chercher son chemin. D’épaisses demeures de pierre, où des portes d’entrée sont encadrées d’arche ancienne, habillent ruelles et impasses d’une beauté lointaine, alors que défilent carlingues ou calèches devant des maisons aux portes de bois bleu ou brune. Un parfum d’antan semble se perdre dans le vent doux. Parfois des troupes d’enfants se bagarrent devant des tas de bois adossés aux bâtisses, ou jouent à la marelle sur des placettes pittoresques baignées de soleil. Des vieilles au visage ridé de mille histoires, regardent par la fenêtre la vie qui s’épanche dans la venelle qui les a vus naître, tandis que des étudiants s’amusent à se photographier comme des vedettes devant les majestueux monuments. Des enfants syriens occupent ruelles et petites places dans une cacophonie libératrice puis se chamaillent avec une énergie électrique. Étrangement, des adolescents sillonnent une venelle, un fusil à plomb sur l’épaule, jusqu’à un point de vue dégagé d’une muraille qui ouvre sur les hauteurs, pour chasser le pigeon, dans un chaos effrayant. Une note vibrante d’une vérité perdue semble émaner de ce décor sous un ciel limpide et d’un bleu céleste. A la sortie du labyrinthe de l’élégante cité, une ruelle me conduit, comme par enchantement vers un magnifique caravansérail vieux de cinq siècles, où jadis les caravanes faisaient étape sur la très longue route de la soie. Fascinée, je balaye du regard ce lieu magique, chargé d’histoire transformé en restaurant au charme traditionnel. Le patron, un homme corpulent et rieur m’offre le thé puis m’invite avec quelques amis à danser une danse folklorique kurde. Alors qu’un ciel rose glisse sous la terre pour laisser place à la nuit étoilée, nous dansons au rythme populaire de chants kurdes, à la profondeur joyeuse, en ronde sur la terre battue du vieux caravansérail, en nous tenant par le petit doigt, répétant des pas simples, en avant puis en arrière. Un profond sentiment de bonheur se glisse dans ma poitrine. Sous le ciel d’un bleu velouté et la lune claire, une musique aux résonances intenses s’élève des arches de ce lieu merveilleux et teinté de mille fantasmagories. Mon âme exulte sous la lune qui diffuse sa douce lumière sur les arches de pierre du caravansérail, où jadis nomades et marchands s’adonnaient à des fêtes semblables, en escale pour une nuit festive avant de reprendre l’infatigable route vers de lointaines contrées.

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