Mon odyssée dans les Balkans, KOSOVO

Gjakova

Gjakova

Je rallie la vieille ville de Gjakova qui a été complètement restaurée après la dernière guerre. Une rue pavée longe un ancien Tekké soufi des mystiques Derviches, un élégant bâtiment blanc de cinq siècles d’âge. Une arche de pierre accueille une porte de bois sculpté qui donne sur une cour fleurie à l’atmosphère de paix, dont la construction s’apparente à celle d’un monastère. Je poursuis mon chemin jusqu’aux vieux bazar ottoman, qui a gardé son charme d’antan si envoûtant. Au gré des ruelles piétonnes, des ateliers d’artisans et d’artistes confèrent à ce quartier réhabilité une touche pittoresque des plus poétiques. Ils ont été rebâtis au sein de maisons basses au toit de lauze, dans le parfait style ottoman au charme indéniable. Je déambule entre les venelles devenues des terrasses de cafés turcs où l’on fume le narguilé. Des volutes de fumées s’élèvent dans les airs, dont les fragrances poivrées et denses invitent au rêve d’un voyage en Orient. Au fil de la balade, je découvre de très anciennes maisons de maître en brique rougeâtre, surmontées d’une construction de bois selon la mode turque d’autrefois, transformées en restaurants prisés. Des images me surprennent et semblent faire revivre les bribes d’un passé révolu : une charrette chargée de bois tirée par un cheval comme aux temps lointains ou bien un adolescent à bord d’une camionnette vendant des pastèques ou des melons des champs cultivés de ses parents. Avec enthousiasme, je longe un caravansérail du temps de la route de la soie. C’est une ancienne auberge de bois, vaste et élégante où les marchands nomades venaient faire étape. Puis, je rejoins la merveilleuse mosquée colorée, datant de l’époque ottomane, dont des arches de pierre peintes de frises végétales et d’épitaphes du Coran ornent l’élégant parvis. L’imposant édifice de pierre brute est entouré d’un ancien cimetière. Une grâce silencieuse se dégage des lieux sereins. A l’intérieur du lieu saint musulman, la beauté décorative des fresques est saisissante. Une riche ornementation multicolore recouvre à profusion les murs ainsi que les niches et coupoles de la mosquée peinte. Des motifs floraux se mêlent à ceux géométriques ainsi qu’à des citations du Coran, dont les lettres calligraphiées en arabe s’apparentent à des arabesques dansantes. Les délicates couleurs primaires des peintures confèrent à la mosquée une atmosphère chaleureuse, teintée de naïveté. Une pure poésie se dégage des lieux, où il semble que Dieu ait été honoré avec une joyeuse tendresse d’un style d’art premier. Tandis que je me plais à admirer cet antre religieux unique, l’appel à la prière entonnée par le muezzin me tire de ma rêverie. Les volutes chantées en l’honneur d’Allah étirent leurs vibrations sur le cœur vivant du quartier musulman, en des notes exquises et frémissantes. Comme à l’accoutumée, des hommes se pressent devant la mosquée, font leurs ablutions puis ôtent leurs chaussures afin de pénétrer ensemble à l’intérieur. A ma grande surprise, ils m’invitent à rester près d’eux durant la prière qui se déroulera après la fin de l’appel. Touchée par cette attention et ce signe d’ouverture, je m’installe sur un grand tapis dans une posture de recueillement. Et reçois en même temps que ces hommes, les énergies sacrées de la prière collective qui débute dans le silence. A la fin du rituel, les hommes viennent à moi pour bavarder. Certains parlent l’allemand ou quelques mots d’anglais. Très accueillants, ils semblent ravis de la visite d’une étrangère dans la mosquée colorée à la décoration rare et unique. Une certaine fierté semble habiter leur regard lorsque je leur vante les charmes des lieux, de la cité ou du Kosovo. Un vieil homme à l’allure charismatique me confie telle une révélation, que Dieu est Un, qu’Il est présent en Tout et sait faire entendre sa Voix omnisciente à chaque cœur humble qui le cherche ardemment. Il achève sa sage tirade en affirmant qu’un lieu sacré ne saurait être fermé sur lui-même au risque de s’éloigner de la profondeur insondable et magnanime du Créateur de toute chose. Touchée au plus profond, je le remercie pour ces paroles prophétiques qui indiquent la voie du cœur et de la tolérance. A cela, un autre homme surenchérit qu’au Kosovo, les croyants musulmans pratiquent un islam européen, teinté de souplesse, de compassion et de partage, qui tranche radicalement avec les courants plus extrémistes du Moyen-Orient. Avec générosité, ce groupe d’hommes me remercie de ma visite et de l’intérêt que je porte à leur pays tant aimé, dont les traditions séculaires remontent à l’avènement de la grande Illyrie. Emue, je les remercie sincèrement pour ces mots bienveillants. Et leur avoue, troublée, qu’ici au Kosovo une divine magie semble guider mes pas. Sous un irradiant soleil, nous nous quittons ainsi, le cœur au bord de l’explosion. Je regagne un café décoré de couleurs extravagantes, m’installe en terrasse et commande une salade du jardin accompagnée de falafels avec un smoothie de fruits frais. Et l’âme aux nues me rappelle qu’aujourd’hui, je célèbre mon anniversaire. Ces instants bénis semblent de bon augure pour entamer une nouvelle vie. 

Le monastère de Pec

Le monastère patriarcal de Pec, un prodigieux joyau

Au pied de la vallée de Rugova, je me rends au monastère orthodoxe serbe, situé à l’entrée des gorges. Logé dans une verdoyante vallée cerclée de sommets étourdissants, repose le célèbre monastère. Il est composé d’un ensemble d’églises, d’un centre spirituel orthodoxe serbe ainsi que d’un mausolée qui abrite les tombeaux de nombreux archevêques et patriarches. A l’intérieur du cloître d’un autre âge, l’église de la Vierge trône avec une grâce étourdissante au cœur des jardins boisés. D’une harmonieuse teinte rouge rouille, elle exhibe ses coupoles qui tranche avec la verdure des collines alentours. Au sein de la chapelle, une profusion de fresques précieuses habille murs et plafonds. Des anciennes illustrations religieuses d’une beauté classique dévoilent la riche palette de ces peintres anonymes qui offrirent leur remarquable talent pour l’amour du divin. Une puissante vibration, hautement spirituelle habite ce lieu saint, qui date du haut Moyen-âge. Des religieuses vêtues de noir vendent des chapelets, des effigies sacrées ou des bougies destinées aux offrandes afin de collecter des fonds pour l’entretien de ce prodigieux patrimoine qui constitue le monastère. Je m’installe sur une chaise de bois sculpté dans la fraîcheur d’une chapelle ornée de mille symboles et couleurs. Dans le silence palpitant de ce lieu sacré, je reçois de grandes fréquences vibratoires d’amour et de bénédiction. Et sur une note mystique, je fais alors mes adieux au Kosovo, dont les stupéfiantes splendeurs n’ont eu de cesse de me faire vibrer.

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